La CSCI présente son plan d'action pour lutter contre le Covid-19

La Convention de la société civile ivoirienne a présenté le lundi 27 avril 2020 à son siège, à Abidjan son plan d'action pour lutter contre le Covid-19, devant couvrir la période avril-mai et juin 2020.
Elle a saisi cette occasion pour faire un don de matériel à l'ensemble des médias présents afin de lutter efficacement contre cette pandémie.

Déclaration relative à la situation du Covid-19 en Côte d’Ivoire et à la contribution de la société civile dans la lutte contre cette pandémie

1. Contexte

Le monde entier est touché depuis quelques mois par la maladie à coronavirus, COVID-19. Cette pandémie a été signalée pour la première fois à Wuhan, en Chine en décembre 2019. En Côte d’Ivoire, le premier cas de personne infectée a été enregistré le 11 mars 2020.
Dès lors, des dispositions de mise en quarantaine de voyageurs en provenance de pays ayant plus de 100 cas confirmés ont été arrêtées par les autorités politiques. Ces dispositions n’ont, cependant, pas permis d’atteindre les résultats escomptés ; favorisant ainsi une avancée exponentielle de la maladie.
Face à cette situation préoccupante, le Conseil National de Sécurité (CNS) a pris un ensemble de mesures préventives le 16 mars 2020dont l’interdiction des rassemblements de population de plus de 50 personnes et la fermeture des frontières à tout trafic de personnes.
Le Président de la République a, dans son discours à la nation du 23 mars 2020, décrété l'état d'urgence sur toute l'étendue du territoire national, conformément à la loi n°59-231 du 7 novembre 1959, et a annoncé bien d’autres mesures de confinement progressif des populations par aire géographique.
Depuis lors, des campagnes de sensibilisation d’envergure nationale sont initiées aussi bien par les autorités, que les organisions de la société civile invitant les populations au respect des mesures barrières édictées par l’OMS et le Ministère de la Santé et de l’Hygiène publique.
Malgré l’intensité de ces actions de sensibilisation, de communication pour le changement de comportement et les dispositions arrêtées, la courbe des cas confirmés ne fait que croître. Le District d’Abidjan demeure l’épicentre de la pandémie avec plus de 90% des cas confirmés. Il a donc été isolé des villes de l’intérieur du pays depuis le dimanche 05 avril 2020.
Le point présenté par le Ministère de la Santé et de l’Hygiène publique à la date du dimanche 26 avril 2020 fait état de 1150 cas confirmés, dont 468 guéris et 14 Décès. De ce fait, le port du masque est devenu obligatoire.
Aussi, pour soulager la peine des populations affectées par toutes ces restrictions, les autorités ivoiriennes ont annoncé des mesures d’accompagnement touchant divers secteurs économiques ainsi que les populations les plus vulnérables. Il s’agit notamment, du fonds spécial de solidarité pour les acteurs du secteur informel et les personnes vulnérables résidant dans le grand Abidjan, du fonds d’appui au secteur vivrier, du fonds d’appui aux PME et aux Grandes entreprises, de l’appui aux artistes inscrits au Burida.
Malgré la situation économique du pays qui reste fragile, l’Etat mobilise des financements aux plans intérieur et extérieur en vue de répondre à cette crise. Cette mobilisation de fonds présente cependant de sérieux risques de surendettement pour notre pays, en dépit des moratoires accordés par certaines institutions financières internationales pour lutter contre le Covid-19.
En somme, cette crise sanitaire met les Etats africains en général et la Côte d’Ivoire en particulier face à des défis aussi bien aux niveaux sanitaire, humanitaire, économique que socio-culturel.

2. Défis liés à la pandémie à coronavirus dans le pays

Cette pandémie qui n’épargne aucun continent semble bouleverser à la fois la géopolitique et la gouvernance mondiale au point de remettre en cause toutes les prévisions économiques et sociales. Toutefois, des inquiétudes demeurent lorsqu’on entend toutes ces voix pessimistes qui s’élèvent ici et là pour annoncer un éventuel scénario catastrophe si la tendance actuelle persiste au regard des systèmes sanitaires inadaptés à ce genre de situation. Cette crise sanitaire, de surcroît, met les Etats africains en général et la Côte d’Ivoire en particulier face à des défis. Pour la Côte d’Ivoire, les défis s’observent à divers niveaux :

Défis au niveau sanitaire
La situation sanitaire de la Côte d’Ivoire a fait l’objet d’un investissement important ces dernières années. L’année 2018 avait même été déclarée année de la santé. Mais, force est de constater que beaucoup restent encore à faire. Les défis sont énormes :

  • La difficile équation liée à la protection systématique du personnel de santé et de toute personne travaillant en milieu sanitaire y compris les stagiaires et les techniciens de surface face aux épidémies ;
  • L’inadaptation de notre système sanitaire à faire face à ces situations d’épidémies ;
  • La faible capacité de notre système de santé à continuer d’assurer les prestations pour les autres pathologies comme le paludisme, le sida et les autres maladies endémiques ;
  • Les difficultés techniques liées au dépistage de masse des populations pour le Covid 19 ;
  • La faible implication des acteurs de la médecine traditionnelle dans la recherche de solution ;
  • L’inaccessibilité au soin de santé pour plusieurs catégories de personnes en zone rurale et urbaine.

Défis socioéconomiques
La plupart des économies africaines dont la Côte d’Ivoire, tributaires de subventions et d’appuis budgétaires extérieurs pourraient être affectées davantage par la situation du Covid-19. Ainsi, un endettement supplémentaire mettrait vraisemblablement en péril les acquis de ces dernières années. Ce qui présagerait d’un service de la dette qui sera difficilement soutenable à la fin de la crise sanitaire. La gestion du service de la dette demeure à ce titre une préoccupation essentielle dans la mesure où l'ampleur de cette crise sanitaire et le besoin de réponses politiques rapides justifient que les ressources vitales des États soient orientées prioritairement vers les besoins fondamentaux des populations au détriment du remboursement de la dette. Pour nous, les défis suivants pourraient se poser :

  • La mise en œuvre efficace des mesures d’accompagnement des différentes couches sociales, et plus particulièrement les besoins des femmes et des jeunes exerçant dans le petit commerce et dans l’informel ;
  • La capacité des autorités à mobiliser des ressources internes pour réduire les endettements extérieurs ;
  • La capacité de la Côte d’Ivoire à faire face aux services de la dette à l’issue de cette crise ;
  • La capacité des OSC ivoiriennes à mener un plaidoyer pour l’annulation du service de la dette ;
  • La nécessité pour les autorités de favoriser un suivi citoyen de la dette par la société civile.

De plus, la Côte d’Ivoire, depuis ces dernières années fait face à une forte recrudescence de l’incivisme et de l’indiscipline malgré la volonté affichée par l’Etat de construire « l’Ivoirien nouveau ». Alors, l’on peut valablement s’interroger sur :

  • Le respect effectif des mesures barrières arrêtées par l’Etat ;
  • L’efficacité de la mesure de confinement dans l’état actuel de notre pays ;
  • Au niveau du système éducatif, le principal défi est relatif à l’accessibilité de tous les élèves à la formation à distance par le truchement de la télévision et la radio nationales.

 

Défis au niveau de la sécurité alimentaire
La Visio conférence des ministres de l’Agriculture de la CEDEAO du 31 mars 2020 sur l’impact du COVID19, a justement mis en évidence la nécessité d’agir ensemble pour préserver la sécurité alimentaire afin de renforcer la capacité de résilience des populations.
A cette occasion, le ministre ivoirien de l’Agriculture et du Développement rural faisait remarquer que la persistance de cette pandémie pourrait entrainer une baisse de production vivrière de 15 à 20% et que la fermeture des frontières affecterait les échanges régionaux qui contribuent fortement à la sécurité alimentaire de la Côte d’Ivoire et des pays voisins.

Défis au niveau du renforcement du couloir humanitaire
Des efforts ont été faits pour la mise en place d’un couloir humanitaire en Côte d’Ivoire. Toutefois, ce couloir doit être renforcé et sécurisé afin d’éviter d’éventuelles pénuries des produits de première nécessité et grande consommation.

Défis au niveau de la recherche scientifique
La réponse durable à cette situation de crise sanitaire peut se trouver dans les efforts de recherches de nos scientifiques dans tous les secteurs d’activités et notamment dans le domaine de la médecine. L’on observe déjà avec satisfaction les résultats obtenus par certaines universités publiques en matière de produits désinfectants.

Autant de défis qui amènent la Convention de la Société Civile Ivoirienne à apporter sa modeste contribution à la lutte contre cette pandémie.

3. Contribution de la CSCI

Dans le cadre de sa contribution citoyenne à la lutte contre cette pandémie, la CSCI, en synergie d’action avec la FENOSCI et d’autres partenaires nationaux et internationaux, a adopté un Plan d’action dont l’objectif est de « Contribuer à la lutte contre la propagation et les impacts de la pandémie et de veiller à la mise en œuvre des mesures arrêtées par le gouvernement. »

De manière spécifique, il s’agit de :

  • Renforcer les capacités des membres des OSC en observation et en sensibilisation sur le COVID 19 dans les 33 régions et districts du pays ;
  • Favoriser la participation des acteurs sociaux à des débats radio, télé relatifs aux impacts de l’épidémie à Coronavirus sur l’économie nationale et la cohésion sociale ;
  • Impliquer les médias dans la communication pour le changement de comportement ;
  • Mener des actions de sensibilisation dans les régions et districts du pays ;
  • Faire le monitoring de la mise en œuvre des mesures arrêtées par le gouvernement et remonter périodiquement des recommandations aux décideurs ;
  • Faire une alerte précoce régulière de la situation.

La mise en œuvre de ce plan, qui s’étend sur une période de 3 mois (d’avril à juin 2020), s’appuie sur une stratégie d’intervention qui comporte les huit axes suivants :

  1. Le renforcement des capacités ;
  2. L’information et la sensibilisation des populations ;
  3. Le monitoring des mesures prises par les autorités ;
  4. L’assistance aux populations vulnérables ;
  5. Les études d’impact socioéconomiques du Covid-19 dans le pays ;
  6. La communication pour le changement de comportement ;
  7. La coordination nationale des activités ;
  8. Le suivi/évaluation.

Au regard de ce qui précède, la CSCI et ses partenaires se félicitent des efforts déployés par le Gouvernement pour contenir la propagation de la pandémie et les mesures d’accompagnement prises en faveur des populations et des couches socioéconomiques pour enrayer les effets pervers de la crise. Cependant, la CSCI formule des recommandations.

4. Recommandations

  • Au niveau sanitaire

Face à la pandémie à coronavirus, la CSCI recommande au niveau sanitaire :

  • La protection systématique du personnel de santé, et de toute personne travaillant en milieu sanitaire y compris les stagiaires et techniciens de surface ;
  • Le déploiement rapide et urgent des centres de dépistage de masse dans les différentes communes d’Abidjan ;
  • La priorisation du dépistage de masse par rapport au confinement des populations afin de prévenir d’autres risques socioéconomiques dans le pays ;
  • L’implication active des acteurs de la médecine traditionnelle dans la recherche de solution ;
  • L’accès au soin de santé pour toutes les catégories de personnes en zone rurale et urbaine ;
  • L’engagement plus accru des leaders communautaires, des élus locaux, des organisations de femmes et de jeunes dans les actions de sensibilisation et d’éducation civique des populations ;
  • L’association des médias communautaires ou radios de proximité dans la sensibilisation des populations.
  • L’implication des organisations de la société civile dans le suivi de la distribution des dons au profit des populations ;
  • La création d’un environnement favorable à la recherche scientifique afin d’obtenir des solutions durables aux crises sanitaires.

 

Par ailleurs, l’engagement sans faille observé dans la lutte contre le Covid 19, ne doit pas faire oublier les autres grandes pathologies dont l’enjeu national ne souffre d’aucune contestation. Il s’agit entre autres du paludisme, une maladie endémique dans notre pays, bien plus mortelle que la maladie à corona virus ; le Syndrome d’immunodéficience acquise (Sida), qui demeure lui aussi un problème de santé publique dans nos régions. Les prestations liées à ces pathologies, mais aussi celles liées à des programmes de vaccination doivent pouvoir se poursuivre et s’améliorer pour éviter à notre pays la résurgence de maladies déjà sous contrôle sanitaire depuis quelques années.

  • Au niveau économique et social
    Les économies africaines vont être fortement impactées par les répercussions économiques de la pandémie, notamment l’effondrement du prix des matières premières et des échanges commerciaux, la fuite des capitaux et la hausse des taux d’intérêts. L'ampleur de cette crise sanitaire et le besoin de réponses politiques rapides justifient que les ressources vitales de l’Etat soient orientées priotairement vers les besoins des populations, plutôt qu’affectées au remboursement de la dette. La Côte-d’Ivoire doit disposer au plus tôt des ressources nécessaires pour prendre les mesures à même de permettre d’endiguer la crise. C’est la raison pour laquelle la CSCI, à l’instar de plus de 200 organisations de la société civile à travers le monde, appelle à :
  • l’annulation de la dette de tous les pays du Sud dont celle de la Côte d’Ivoire par les institutions financières internationales. La décision du G20, le 15 avril dernier, de proposer une suspension du remboursement de la dette bilatérale de 77 pays, dont la Côte d’Ivoire, jusqu’à fin 2020, est déjà la bienvenue, et devrait permettre de libérer des ressources que le pays pourrait mobiliser en urgence.
  • L’octroi par les partenaires au développement de financements spéciaux dédiés à la lutte contre le Covid 19 qui ne créent pas de nouvelles dettes, exempts de toutes conditionnalités.
  • L’implication des organisations de la société civile dans le système de suivi des dépenses réalisées avec les ressources libérées par la suspension de dette annoncée par le G20, à travers un suivi citoyen de la dette.
  • La mise en œuvre transparente des mesures d’accompagnement prises par les autorités nationales en faveur des différentes couches sociales impactées par la situation de crise sanitaire.

 

Au niveau du système éducatif
Le premier et deuxième trimestres de l’année scolaire 2019-2020 étant achevés, la CSCI recommande :

  • La validation de l’année scolaire 2019-2020 en semestre.
  • La réouverture des classes uniquement pour les classes d’examens (CM2, 3è et Terminale) en procédant à la réduction des effectifs par classe afin de leur permettre de terminer les programmes dans la sérénité et participer aux examens à grands tirages selon les dispositions de protection bien définies et respectant les mesures barrières édictées par les autorité

Au niveau de la sécurité alimentaire
La CSCI plaide auprès des décideurs et de la CEDEAO pour une :

  • Politique d’accompagnement adaptée aux attentes des petits paysans et des femmes présentes dans le secteur du vivrier impactés par la crise ;
  • Augmentation des budgets du secteur agricole tant au niveau national que sous régional ;
  • Sécurisation plus accrue des couloirs de commercialisation entre les pays pour connecter les marchés excédentaires et déficitaires ;
  • Actualisation de la stratégie sous régionale de sécurité alimentaire.

De façon générale, la CSCI recommande à l’endroit du Gouvernement ivoirien de :

  • Faire respecter l’ensemble des mesures adoptées ;
  • Accélérer la mise en œuvre transparente et concrète de mesures de soutien aux secteurs les plus vulnérables (les producteurs agricoles, les acteurs du secteur vivrier, ainsi que les corps de métiers à risque du secteur privé et ceux du secteur informel, etc.) ;
  • Communiquer davantage sur les critères d’éligibilité et de distribution des fonds destinés à soutenir les couches sociales frappées par la crise sanitaire ;
  • Mettre en place un système de collecte et de distribution des dons qui s’appuie sur nos outils traditionnels de développement que sont la déconcentration et la décentralisation en impliquant activement les élus locaux, les communautés rurales, les chefs de communautés, ainsi que les organisations de jeunesse et de femmes ;
  • Impliquer davantage les organisations de la société civile dans le suivi de la distribution des dons au profit des populations vulnérables ;

A l’endroit des organisations de la société civile, la CSCI recommande de :

  • Accroître les actions de sensibilisation et d’éducation civique des populations ;
  • Orienter et apporter une assistance aux personnes vulnérables ;
  • S’impliquer davantage dans la mise en œuvre du plan de riposte gouvernemental ou de toutes autres initiatives contre le Covid-19.

A l’endroit des populations, la CSCI invite à :

  • Respecter scrupuleusement les mesures barrières ;
  • S’engager dans le respect des mesures sanitaires ;
  • Partager les informations relatives à ces mesures dans leur communauté ;

Aux acteurs des médias de :
-  Poursuivre inlassablement leur noble mission d’information, de médiatisation et d’éducation des populations ;
-  Toujours s’en à l’éthique et la déontologie de leur profession dans l’exercice de leur métier.

Aux acteurs des réseaux sociaux de :

Eviter de propager des rumeurs susceptibles de créer une psychose généralisée.
La CSCI et la FENOSCI comptent sur les structures membres, les coordinations régionales, les commissions thématiques ainsi que la collaboration franche et sincère des autres OSC, et de la population afin de venir à bout de l’ennemi commun qu’est le Covid-19.

Fait à Abidjan, le 27 avril 2020

Pour la CSCI

Le Coordonnateur National

M. MAHAMADOU Kouma

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